Short Description
L’équilibre et le juste milieu font partie des principales caractéristiques de la civilisation musulmane.
L’équilibre et le juste milieu font partie des principales caractéristiques de la civilisation musulmane. Cette caractéristique représente un équilibre entre les extrêmes, une modération faisant qu’aucun élément ne se voit accorder une importance démesurée aux dépens des autres. Cet équilibre et cette modération sont appropriés à un message universel et éternel, appelé à être mis en œuvre à toute époque et en tout lieu.
Equilibre entre l’esprit et la matière
Ainsi, la civilisation musulmane allie le spirituel et le matériel, les exigences de l’esprit et celles du corps. Elle allie les sciences religieuses et les sciences de l’univers, s’intéresse à la vie de ce monde comme à l’au-delà, allie idéalisme et réalisme, et réalise l’équilibre entre les droits et les devoirs.
L’équilibre entre tous ces pôles opposés permet d’accorder à chacun sa juste place, sans excès et sans manque, sans faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. Cette notion d’équilibre et de balance apparaît dans le Saint Coran : « Il a élevé le ciel et établi la balance, afin que vous ne fraudiez pas sur la balance. Évaluez la pesée avec exactitude et ne faussez pas la balance. »[1]
Pour clarifier ce point, l’histoire des civilisations antérieures montre sans ambiguïté que privilégier l’esprit ou la matière ne conduit pas au bonheur de l’être humain. La poursuite de la spiritualité aux dépens de tout le reste compromet le progrès, entrave la volonté et la pensée, freine les énergies, étouffe l’humanité de l’être humain et ne permet pas de tirer parti des bienfaits du monde. Inversement, une perspective purement matérielle conduit à l’oppression et à la tyrannie ; les faibles sont écrasés et leur vie, leurs biens et leur honneur sont à la merci d’un pouvoir arbitraire.
La civilisation éternelle de l’islam a su apporter l’équilibre entre les exigences de l’esprit et celles de la matière. Une spiritualité modérée devient alors le fondement d’une vie matérielle modérée, où l’être humain jouit de sa volonté et de sa liberté, où il peut penser et profiter du fruit de ses efforts et de son travail ; le tout dans le cadre de la foi et d’une éthique fondée sur la justice, la sécurité, la stabilité, la miséricorde et l’amour.[2]
Equilibre entre les sciences religieuses et les sciences de l’univers
Cet équilibre est donc à même de réaliser l’harmonie entre la nature humaine et les objectifs intellectuels, comme il est apte à harmoniser complètement la pensée, l’imagination, la volonté et l’intention de l’être humain.
En ce qui concerne l’intérêt partagé pour les sciences religieuses et les sciences de l’univers, il est important de noter que la brillante civilisation de l’islam est née d’une approche fondée sur la science, la connaissance et la raison, sur la recherche, l’expérience et la déduction, la vitalité des sciences ayant joué un grand rôle dans l’édification de l’Etat et de la société. L’islam n’a de cesse de faire l’éloge de la science et des savants dans tous les domaines de la connaissance utiles à l’homme dans sa mission de mettre en valeur le monde et de tirer parti de ses bienfaits et de ses trésors : ceci inclut à la fois les sciences religieuses et les sciences de l’univers.
Le Coran et la sunna emploient le mot `ilm (science, savoir) dans l’absolu, sans qualification ni restriction. Ce mot inclut donc tous les savoirs utiles, visant à procurer le bien ici-bas et à mettre en valeur le monde, tous les savoirs visant à fonder une société juste et à accomplir les devoirs humains de gérance de cette planète. Il désigne le plus souvent à la fois les sciences religieuses et les sciences de l’univers. Les éloges faits aux savants s’appliquent à tous les savants porteurs d’un savoir utile aux hommes, que ce savoir relève des sciences religieuses ou des sciences de l’univers. L’histoire de la civilisation musulmane fournit le meilleur témoignage de cette vision, comme nous le verrons au chapitre suivant lorsque nous discuterons des apports et des inventions des musulmans dans les différents domaines des sciences de l’univers.
Cette approche équilibrée présente un contraste avec les civilisations où l’emprise de la religion sur les forces intellectuelles et scientifiques entravait le développement de la science et de la pensée et l’utilisation de la raison.
Quant à l’équilibre entre la vie de ce monde et l’au-delà, il est parfaitement illustré par ce verset ordonnant l’accomplissement de la prière du vendredi : « Ô vous qui croyez, lorsqu’on appelle à la prière du vendredi, accourez pour aller invoquer Dieu et délaissez le commerce : cela est meilleur pour vous, si vous saviez ! Puis, la prière terminée, dispersez-vous sur la terre et recherchez la faveur de Dieu, et invoquez souvent Dieu : ainsi peut-être connaîtrez-vous le succès. »[3]
C’est ainsi que la civilisation musulmane allie les préoccupations de ce bas-monde et l’aspiration à l’au-delà. Même le vendredi, comme le montre ce verset, on pratique le commerce et on œuvre pour ce bas-monde avant la prière ; ensuite on accourt à la prière pour invoquer Dieu, délaissant le commerce et tout ce qui a trait aux préoccupations de ce bas-monde ; enfin, la prière terminée, on se disperse sur la terre pour rechercher à nouveau sa subsistance, tout en continuant à se rappeler Dieu : tel est le fondement du succès et du bonheur. Rechercher la faveur de Dieu désigne ici le fait de gagner sa vie.
Dans un autre verset exprimant l’équilibre entre l’action en vue de ce bas-monde et l’action en vue de l’au-delà, Dieu dit : « Recherche, au moyen de ce que Dieu t’a donné, la demeure dernière, et n’oublie pas ta part de la vie de ce monde. »[4] L’islam ne demande pas aux musulmans d’être des ermites ou des ascètes, de vivre reclus ni de passer leurs nuits en prière et leurs journées à jeûner sans accorder aucune part à la vie de ce monde. Le musulman doit être actif dans la vie de ce monde, parcourir la terre pour la mettre en valeur et chercher à gagner sa vie. Dans la civilisation musulmane, l’être humain œuvre aussi bien pour la vie d’ici-bas que pour l’au-delà, recherchant le bien et le bonheur dans ce monde comme dans l’autre.
Equilibre entre idéalisme et réalisme
L’équilibre caractéristique de la civilisation musulmane s’exprime aussi par un mélange parfait d’idéalisme et de réalisme.[5] L’islam est à la fois une religion idéaliste et réaliste. Il appelle toujours à la perfection et à l’idéal, mais cette perfection et cet idéal sont à rechercher à travers les causes existantes : les gens ne se voient pas imposer d’effort démesuré. Il est donc difficile de faire la part entre l’idéalisme et le réalisme en islam ; ils sont deux éléments complémentaires d’une voie menant l’être humain vers le bien, à travers des règles de comportement et des prescriptions organisant leurs relations.
La civilisation de l’islam est idéaliste en ce qu’elle cherche à mener l’être humain au plus haut niveau dans l’aisance et la sérénité. Elle est réaliste en ce qu’elle tient compte des conditions de vie et de la nature humaine, des limites des forces de l’être humain, de sa constitution et de la réalité des choses.
La civilisation musulmane ne fait pas de place à un idéalisme imaginaire qui n’a d’existence que dans le monde des rêves, à l’image de la Cité idéale de Platon si éloignée de la réalité de la nature humaine avec ses instincts, ses limites et ses défauts.
En même temps, la civilisation musulmane ne tombe pas non plus dans le réalisme excessif qui consisterait à accepter la réalité quelle qu’elle soit ou à revenir sur ses principes pour les adapter à cette réalité. Il ne s’agit pas de se conformer à la réalité existante : la civilisation de l’islam n’a pas pour objet de se taire devant les passions humaines ni d’accepter des modes de vie et des coutumes inappropriés. Elle est venue au contraire éliminer toute forme d’idolâtrie et substituer au mode de vie préislamique sa propre organisation de la vie, qui peut ou non correspondre sur certains points à la réalité préexistante.
Dans cet équilibre entre idéalisme et réalisme, l’islam fixe un seuil minimum de perfection en-dessous duquel il ne faut pas descendre : c’est le minimum requis d’un musulman pour avoir une personnalité convenable et pour faire partie des musulmans. Ce niveau minimum est à la portée de tout un chacun : il s’agit d’accomplir les obligations religieuses et de s’abstenir des interdits. Les obligations et les interdits ont été prescrits de telle manière que n’importe qui soit capable de s’y conformer, tout en prenant également en compte les nécessités.
Comment atteindre un tel niveau ?
Au-delà de ce niveau obligatoire pour tout musulman, les prescriptions de l’islam définissent un niveau supérieur qu’il est recommandé de chercher à atteindre. Ce niveau supérieur comprend les actes conseillés et les diverses pratiques encouragées visant à se rapprocher de Dieu, ainsi que l’abstention des actions déconseillées et douteuses qu’il est préférable au musulman d’éviter.
Atteindre ce niveau supérieur nécessite cependant de grands efforts qui ne sont pas à la portée de tous. Cela fait appel à des qualités particulières, à une disposition spécifique à une minorité d’êtres. C’est pourquoi cet idéal n’est pas prescrit à tous de manière obligatoire : il est simplement défini, puis chacun s’en approche en fonction de ses capacités, puisque « Dieu n’impose à chaque âme que ce qu’elle peut porter. »[6] Les actes de chacun seront agréés en proportion de ses efforts : « Ils auront tous des degrés selon ce qu’ils ont fait. »[7]
Le dernier équilibre évoqué ci-dessus est l’équilibre entre les droits et les devoirs. La civilisation musulmane voit dans le droit de chaque individu ou groupe un devoir pour les autres. Les droits des gouvernés renvoient ainsi aux devoirs des gouvernants, les droits des employés aux devoirs de leurs employeurs, les droits des enfants aux devoirs des parents, et ainsi de suite. Les droits sont ainsi préservés grâce à l’accomplissement par chacun de ses devoirs.
L’islam vise également l’équilibre entre les droits et les devoirs de l’individu et ceux du groupe, afin d’établir un équilibre entre l’instinct individuel et l’intérêt commun. L’être humain ne vit pas tout seul, indépendant des autres individus constituant sa société. Il vit nécessairement au sein d’une société où les intérêts réciproques doivent être pris en compte et où il interagit avec les autres. C’est cette interaction qui nécessite la définition des droits et des devoirs de chacun, organisés par les prescriptions de l’islam.
C’est ainsi que la civilisation musulmane est caractérisée par l’équilibre et le juste milieu.
[1] Sourate 55, ar-Rahmân, versets 7-9.
[2] Muhammad Zafirallâh Khân, al-Hadâra al-islâmiyya bayna l-hadârât,
http://www.balagh.com/deen/ya1dbf66.htm
[3] Sourate 62, al-Jumu`a, versets 9-10.
[4] Sourate 28, al-Qasas, verset 77.
[5] Voir à ce sujet : Jum`a `Alî al-Khawlî, al-Mîthâliyya wal-wâqi`iyya fî l-islâm, Revue de l’Université islamique de Médine, n°44, pp. 121-133.
[6] Sourate 2, al-Baqara, verset 286.
[7] Sourate 6, al-An`âm, verset 132 ; sourate 46, al-Ahqâf, verset 19.
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