Short Description
La particularité de la religion islamique et de sa civilisation est qu’elle a fait preuve d’exception en ce qui concerne la miséricorde pratiquée à tous les niveaux de la société,
La particularité de la religion islamique et de sa civilisation est qu’elle a fait preuve d’exception en ce qui concerne la miséricorde pratiquée à tous les niveaux de la société, à tous les êtres humains sans distinction de race ou de couleur, à tous les êtres ayant une âme comme les animaux ; certains récits prophétiques et commandements divins témoignent de cela. Le coran et la sunna sont la source même de l’édification des valeurs qui ont fait progresser l’humanité.
La miséricorde dans le coran
Ce qui frappe en lisant le Livre de Dieu, qui est la loi fondamentale des musulmans et leur principale source de prescriptions juridiques, c’est que chaque sourate du Coran (à l’exception de la sourate at-Tawba) commence par la formule bismillâh ar-rahmân ar-rahîm, « au nom de Dieu, le Très-Miséricordieux, le Tout-Miséricordieux ». Il est bien évident que ce fait a sa signification : il souligne l’importance capitale de la miséricorde dans les prescriptions de l’islam. Il est clair également que les mots ar-rahmân et ar-rahîm sont de même racine et de sens très proche : les savants ont beaucoup glosé sur les nuances entre ces deux termes.[1] Dieu aurait bien sûr pu évoquer ici un autre de Ses attributs à côté de la miséricorde, afin d’exprimer un sens équilibré : Il aurait pu évoquer Sa toute-puissance ou Son châtiment. La répétition de cette caractéristique à travers deux termes si proches exprime donc un message clair : que la miséricorde précède tous les autres attributs divins, et que sa pratique est un principe fondamental immuable qui l’emporte sur tous les autres.
Ceci est encore souligné par le fait que la première sourate que l’on rencontre dans le Coran,[2] la sourate al-Fâtiha, commence par la formule bismillâh ar-rahmân ar-rahîm (évoquant la miséricorde divine) comme les autres sourates, puis se poursuit en répétant la mention de ces attributs ar-rahmân et ar-rahîm à l’intérieur même de la sourate. Le fait que le Coran s’ouvre avec cette sourate en particulier a également une signification claire. Comme on le sait, la sourate al-Fâtiha est celle que les fidèles récitent à chaque unité de chaque prière, tous les jours, répétant donc au moins deux fois dans chaque unité de prière les noms ar-rahmân et ar-rahîm. Le fidèle évoque donc la miséricorde divine au moins quatre fois dans chaque unité de prière, soit au moins soixante-huit fois dans la journée au cours des dix-sept unités de prière que totalisent les cinq prières obligatoires. Ceci montre à quel point l’islam célèbre ce noble attribut divin qu’est la miséricorde.
Ceci éclaire la signification de nombreux hadîth où le Prophète (paix et salut à lui) décrit la miséricorde divine. Ainsi, Abû Hurayra (que Dieu l’agrée) rapporte que le Prophète (paix et salut à lui) a dit : « Dieu a écrit un écrit avant de créer les créatures : Ma miséricorde précède Ma colère. Ceci est écrit auprès de Lui au-dessus du trône. »[3]
Ceci constitue une annonce claire que la miséricorde prévaut sur la colère, et l’indulgence sur la sévérité.
En outre, Dieu a envoyé le Prophète (paix et salut à lui) comme une miséricorde pour l’humanité et pour l’univers. Dieu dit : « Et Nous ne t’avons envoyé que comme une miséricorde pour les mondes. »[4] Ceci apparaît clairement dans la personnalité du Prophète (paix et salut à lui) et ses relations aussi bien avec ses Compagnons qu’avec ses ennemis.
La miséricorde dans la tradition prophétique
Pour résumer l’importance de cette noble valeur et inciter à la pratiquer, le Prophète (paix et salut à lui) a dit : « Dieu ne fera pas miséricorde à ceux qui ne montrent pas de miséricorde aux gens. »[5] Le terme général employé, « aux gens », inclut tous les êtres humains sans distinction de race ou de religion. Les savants ont dit : « Cette prescription a une portée générale et inclut la miséricorde envers les enfants et tous les autres. »[6] Ibn Battâl[7] a dit : « Ce hadîth incite à pratiquer la miséricorde envers toutes les créatures, les croyants comme les mécréants ainsi que les animaux, les esclaves comme les hommes libres. La miséricorde inclut le fait de donner à boire et à manger, d’alléger les charges et de ne pas frapper. »[8]
Dans un autre hadîth, le Prophète (paix et salut à lui) jure : « Par Celui qui tient mon âme en Son pouvoir, Dieu n’octroie Sa miséricorde qu’aux miséricordieux. » On lui dit : « Messager de Dieu, nous pratiquons tous la miséricorde. » Il répondit : « Il ne s’agit pas de miséricorde envers vos compagnons, mais de miséricorde envers tous les êtres humains. »[9] Le musulman pratique donc la miséricorde envers tous les êtres humains, y compris les enfants, les femmes et les vieillards, musulmans ou non-musulmans.
Il a dit également : « Pratiquez la miséricorde envers ceux qui sont sur terre, Celui qui est au ciel vous fera miséricorde. »[10] Il s’agit clairement de tous ceux qui sont sur la terre.
Voilà comment la miséricorde règne dans la société musulmane : c’est une valeur morale pratique qui exprime la compassion d’un être humain pour son frère en humanité ; plus que cela, cette miséricorde dépasse les êtres humains de toute race ou religion pour s’étendre aux animaux, y compris aux oiseaux et aux insectes.
Le Prophète (paix et salut à lui) a annoncé qu’une femme est entrée en enfer pour avoir maltraité un chat au lieu de lui montrer de la miséricorde. Il a dit : « Une femme est entrée en enfer à cause d’une chatte qu’elle a attachée : elle ne lui a pas donné à manger et ne l’a pas laissée se nourrir des bestioles de la terre. »[11]
Il a également annoncé que Dieu a pardonné les péchés d’un homme qui a montré de la miséricorde à un chien en lui donnant à boire quand il avait soif. Il a dit : « Tandis qu’un homme marchait, il eut très soif. Il descendit dans un puits et y but, puis en sortit. Il vit alors un chien qui haletait et qui mangeait la terre tellement il avait soif. Il dit : ‘Cet animal éprouve ce que j’éprouvais.’ Il remplit sa chaussure et la prit avec sa bouche pour remonter, puis donna à boire au chien. Dieu lui en sut gré et lui pardonna. » On lui demanda : « Messager de Dieu, serons-nous récompensés pour notre comportement envers les animaux ? » Il répondit : « Il y a une récompense pour tout être vivant. »[12]
Le Prophète (paix et salut à lui) a également annoncé à ses Compagnons que le paradis a ouvert ses portes à une fornicatrice qui a éprouvé de la compassion pour un chien. Il a dit : « Tandis qu’un chien tournait autour d’un puits, quasiment mort de soif, une prostituée juive le vit. Elle enleva son soulier et lui donna à boire, et Dieu lui pardonna grâce à cela. »[13]
On pourra s’étonner : qu’est-ce qu’un chien abreuvé face à un crime tel que la fornication ? Mais une vérité se cache derrière l’action, à savoir la miséricorde qui existe dans le cœur de l’être humain : une miséricorde qui influence ses actions et qui se répercute dans toute la société humaine.
La miséricorde prônée par l’islam s’étend aussi au fait d’avoir pitié des bêtes de somme, qu’il convient de bien nourrir et de ne pas charger au-dessus de leurs forces. Le Prophète (paix et salut à lui) a dit avec compassion, comme il passait près d’un chameau n’ayant que la peau sur les os : « Craignez Dieu envers ces bêtes brutes … Montez-les alors qu’elles sont en bonne santé, et mangez-les alors qu’elles sont en bonne santé.’ »[14]
Un homme dit : « Messager de Dieu, je traite la brebis avec miséricorde quand je l’égorge. » Il répondit : « Et si tu traites la brebis avec miséricorde, Dieu te fera miséricorde. »[15]
Cette miséricorde envers les animaux s’étend même à ceux qui n’apportent aucun bénéfice à l’homme, comme les petits oiseaux. Ainsi, le Prophète (paix et salut à lui) a dit à propos d’un oiseau : « Si quelqu’un tue un oiseau pour rien, l’oiseau s’envolera vers Dieu le Jour du Jugement et dira : ‘Seigneur, untel m’a tué pour rien, il ne m’a pas tué pour un quelconque bénéfice.’ »[16]
La miséricorde pratiquée par les compagnons
Les historiens rapportent que lors de la conquête de l’Egypte, une colombe s’est posée sur la tente de `Amr ibn al-`Âs et y a fait son nid. Lorsque `Amr voulut lever le camp il la vit et ne voulant pas la déranger, il resta. Les habitations se multiplièrent autour de sa tente, donnant la ville d’al-Fustât (la tente).
Ibn `Abd al-Hakam, chroniqueur de la vie du calife bien guidé `Umar ibn `Abd al-`Azîz, a rapporté que ce dernier interdisait d’éperonner les chevaux sauf en cas de nécessité et avait prescrit de ne pas leur faire porter de harnais trop lourd et de ne pas les stimuler avec un fouet au bout ferré. Il écrivit au gouverneur d’Egypte : « J’ai appris qu’en Egypte on fait porter à des chameaux des charges de mille livres : quand tu recevras cette lettre, je n’ai pas connaissance qu’on puisse faire porter à un chameau plus de six cents livres. »[17]
Telle est la miséricorde qui doit régner dans une société musulmane… Cette miséricorde emplit les cœurs de tous les membres de cette société, de sorte qu’ils montrent de la compassion aux faibles, partagent la tristesse des affligés, réconfortent les malades et viennent en aide à l’autre, même à un simple animal. Ces cœurs vivants et pleins de miséricorde purifient la société, l’éloignent du crime et en font une source de bien, de bienfaisance et de paix pour tout ce qui l’entoure.
[1] Voir Ibn Hajr, Fath al-bârî, 13/358-359.
[2] L’ordre de classement des sourates du Coran tel que nous le connaissons a été inspiré par Dieu à Son Prophète (paix et salut à lui), bien que les sourates et les versets aient été révélés dans un ordre différent. Voir Abû `Abdallâh az-Zarkashî, al-Burhân fî `ulûm al-qur’ân 1/260.
[3] Al-Bukhârî, Livre de l’unicité divine, chapitre : « C’est une noble Lecture dans une table gardée » (sourate 85, al-Burûj, versets 21-22) (7115) – les termes cités sont les siens ; Muslim, Livre du repentir, chapitre : « L’immensité de la miséricorde divine » (2751) ; une variante emploie les mots « l’emporte sur » au lieu de « précède » : al-Bukhârî, Livre du commencement de la création (3022).
[4] Sourate 21, al-Anbiyâ’, verset 107.
[5] Al-Bukhârî, Livre de l’unicité divine, chapitre : « Comment le Prophète (paix et salut à lui) appelait sa communauté à adorer Dieu seul » (6941) ; Muslim, Livre des mérites, chapitre : « La miséricorde du Prophète (paix et salut à lui) envers les enfants et les faibles, son humilité, et le mérite de cela » (2319).
[6] An-Nawawî, al-Minhâj sharh Sahîh Muslim ibn al-Hajjâj, 15/77.
[7] `Alî ibn Khalaf ibn `Abd al-Malik ibn Battâl, aussi surnommé Ibn al-Lajjâm, éminent savant, érudit et calligraphe, très fiable ; il a commenté le Sahîh d’al-Bukhârî dans un ouvrage de plusieurs volumes, et est mort en 449H. Voir az-Zarkalî, al-A`lâm 4/85, et adh-Dhahabî, Siyar a`lâm an-nubalâ’ 18/47.
[8] Al-Mubârakfûrî, Tuhfat al-ahûdhî bi-sharh jâmi` at-Tirmidhî, 6/42.
[9] Musnad d’Abû Ya`lâ (4258) ; al-Bayhaqî, Shu`ab al-îmân (11060). Authentifié par al-Albânî, voir as-Silsila as-sahîha (167).
[10] At-Tirmidhî d’après `Abdallâh ibn `Amr, Livre de la piété filiale et des liens familiaux, chapitre : « Ce qui a été dit sur la miséricorde des musulmans » (1924) ; Ahmad (6494) ; al-Hâkim (7274). Abû `Isâ considère ce hadîth bon et authentique et al-Albanî le déclare authentique, voir Sahîh al-jâmi`(3522).
[11] Al-Bukhârî, Livre du commencement de la création, chapitre : « Il y a cinq animaux nuisibles qu’on peut tuer durant l’état de sacralisation » (3140) ; Muslim, Livre du repentir, chapitre : « L’immensité de la miséricorde de Dieu et le fait qu’elle précède Sa colère » (2619).
[12] Al-Bukhârî, Livre de l’arrosage et des boissons, chapitre : « Le mérite de donner de l’eau » (2234) ; Muslim, Livre de la paix, chapitre : « Le mérite d’abreuver et de nourrir les animaux » (2244).
[13] Al-Bukhârî, Livre des prophètes, chapitre des Gens de la Caverne (3280) ; Muslim, Livre de la paix, chapitre : « Le mérite d’abreuver et de nourrir les animaux » (2245).
[14] Abû Dâwud, Livre du jihâd, chapitre : « Comment il est recommandé de s’occuper des montures et des bestiaux » (2548) ; Ahmad (17662), avec selon Shu`ayb al-Arnâ’ût une chaîne de transmission authentique faite de rapporteurs dignes de confiance qui sont ceux du Sahîh ; Ibn Hibbân (546) ; classé comme authentique par al-Albânî, voir as-Silsila as-sahîha (23).
[15] Rapporté par Ahmad (15630) ; par al-Hâkim qui en dit : hadîth authentique par sa chaîne de transmission non cité par les deux cheikhs ; par at-Tabarânî dans al-Mu`jam al-kabîr (15716). Déclaré authentique par al-Albânî, voir Sahîh at-targhîb wat-tarhîb (2264).
[16] An-Nasâ’î d’après ash-Sharîd ibn Suwayd (4446) ; Ahmad (19488) ; Ibn Hibbân (5993) ; at-Tabarânî, al-Mu`jam al-kabîr (6/479). Selon ash-Shawkânî, ce hadîth est rapporté par plusieurs voies dont certaines ont été authentifiées par les imams. Voir ash-Shawkânî, as-Sayl al-jarâr 4/380.
[17] Voir Muhammad ibn `Abdallâh ibn `Abd al-Hakam, Sîrat `Umar ibn `Abd al-`Azîz 1/141.
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