Short Description
Le Prophète (paix et salut à lui) se comporta avec `Adî ibn Hâtim comme il l’avait fait avec Mâlik ibn `Awf.
Le Prophète (paix et salut à lui) se comporta avec `Adî ibn Hâtim comme il l’avait fait avec Mâlik ibn `Awf. `Adî ibn Hâtim était le chef de la tribu des Tay’, l’une des tribus qui avaient mené contre l’islam une résistance acharnée pendant des années. Le contexte socioculturel de cette tribu faisait qu’il lui était fort difficile d’accepter la nouvelle religion qu’était l’islam.
La tribu des Tay’ était une branche des Qahtân, et avait donc un lien très lointain avec les Quraysh qui appartenaient à la branche des `Adnân.[1] Les susceptibilités tribales entre cette tribu et les Quraysh étaient profondes. Les Tay’ avaient leur propre idole nommée « al-Fils », que les gens venaient vénérer de loin. Une branche de la tribu était devenue chrétienne et s’était tournée vers l’empire byzantin qui était son allié.
De nombreux facteurs faisaient donc obstacle à l’acceptation de l’islam par la tribu des Tay’ : des facteurs tribaux, des facteurs religieux, et des facteurs politiques avec l’alliance de la tribu à la principale puissance mondiale, l’empire byzantin.
Si l’on ajoute à cela que cette tribu était puissante et étendait sa domination sur une grande partie de l’Arabie, au point que pour voyager vers l’Irak ou la Syrie il fallait avoir l’accord de membres de tribu des Tay’… on comprend bien qu’ils n’avaient aucune raison de s’empresser de rejoindre l’islam.
On comprend mieux également l’hostilité des Tay’ envers l’islam lorsqu’on sait que le célèbre chef juif Ka`b ibn al-Ashraf, qui lutta avec acharnement contre les musulmans, y était apparenté : son père appartenait en effet aux Tay’ et sa mère aux Banû an-Nadîr. Face à son acharnement contre les musulmans, lorsqu’il unit contre eux l’ensemble de l’Arabie, le Prophète (paix et salut à lui) ordonna de le tuer, ce qui fut fait : les Tay’ perdirent ainsi un important symbole de leur prestige parmi les Arabes.
Cette tribu puissante avait donc pour chef `Adî ibn Hâtim at-Tâ’î, le fils du célèbre chef arabe Hâtim at-Tâ’î connu pour sa générosité et son hospitalité.
`Adî ibn Hâtim at-Tâ’î sentit le vent tourner, se voyant en perte de vitesse en Arabie. Il vouait au Prophète (paix et salut à lui) une haine féroce, qui lui fit dire : « Lorsque le Prophète (paix et salut à lui) a été envoyé accomplir sa mission, je l’ai détesté plus que je n’ai jamais rien détesté au monde. »[2]
Le temps passa, La Mecque fut prise et devint musulmane, les Hawâzin se convertirent, et le Prophète (paix et salut à lui) se mit à envoyer des troupes de part et d’autre pour détruire les idoles qui étaient adorées à la place d'Allah. Il envoya ainsi une troupe dirigée par `Alî ibn Abî Tâlib à la tribu de Tay’ pour détruire la statue d’al-Fils, et les Tay’ lui opposèrent une résistance farouche.
Ils finirent par prendre la fuite dans différentes directions, et certains furent faits prisonniers. `Adî ibn Hâtim s’enfuit chez ses alliés les souverains de Syrie tandis que sa sœur était faite prisonnière. Cependant le Prophète (paix et salut à lui) lui accorda la liberté sans compensation : elle partit alors pour la Syrie, pour appeler son frère à rejoindre le Prophète (paix et salut à lui). Elle lui dit : « Il a fait quelque chose que même ton père n’aurait pas fait : va le rejoindre de gré ou de force. »[3]
`Adî ibn Hâtim ne supportait pas l’exil. Voici comment il a décrit sa situation :
« Je détestais la situation où je me trouvais, encore plus que celle où j’étais auparavant. Je me dis alors : je vais aller trouver cet homme, s’il dit la vérité je l’écouterai, et s’il ment il ne pourra guère me nuire. »[4]
`Adî ibn Hâtim se rendit donc à Médine en chef déchu, dans une position de faiblesse qui n’échappait à personne. Que fit alors le Prophète (paix et salut à lui) ?
Voici le récit de `Adî ibn Hâtim :
« Le Prophète (paix et salut à lui) me dit à trois reprises : ‘Ô `Adî ibn Hâtim, deviens musulman, tu y trouveras le salut.
– J’ai déjà une religion, lui répondis-je
– Je connais mieux ta religion que toi, répondit-il.
– Tu connais mieux ma religion que moi ? demandai-je.
– Oui. répondit-il, tu es un (chrétien) rakûsî, et tu imposes à ton peuple un tribut du quart de ses ressources, n'est-ce pas ?’
– C’est vrai, répondis-je
– Eh bien cela ne t’est pas permis dans ta religion, dit-il.’
Dès qu’il dit cela, j’admis qu’il avait raison. ‘Je sais ce qui te retient de devenir musulman, dit alors le Prophète (paix et salut à lui). Tu te dis : il n’est suivi que par les faibles, ceux qui n’ont pas de pouvoir et sont rejetés par les Arabes. Connais-tu al-Hîra ?
– Je n’y suis pas allé, mais j’en ai entendu parler, répondis-je.
– Par Celui qui tient mon âme en Son pouvoir, poursuivit-il, Allah accordera tant de puissance à cette religion qu’une femme voyageant en palanquin pourra partir d’al-Hîra pour aller effectuer la tournée de la Ka`ba sans avoir besoin de la protection de quiconque, et les trésors de Chosroès ibn Hurmuz seront bientôt à nous.
– Chosroès ibn Hurmuz ? demandai-je.
– Oui, répondit-il, Chosroès ibn Hurmuz, et l’argent sera si abondant que personne n’en voudra.’ »[5]
C’est ainsi que le Prophète (paix et salut à lui) accepta en toute simplicité l’arrivée parmi les musulmans du grand chef de tribu, sans le soupçonner de vouloir soulever les Tay’ contre l’islam, sans lui reprocher son passé de guerre et de haine envers les musulmans. Il lui montra au contraire une magnanimité, une bienveillance et un respect infinis.
`Adî (qu'Allah l’agrée) conclut ainsi son récit : « Une femme en palanquin peut maintenant partir d’al-Hîra pour effectuer la tournée de la Ka`ba sans avoir besoin de la protection de quiconque, et j’ai fait partie de ceux qui ont conquis les trésors de Chosroès ibn Hurmuz. Par Celui qui tient mon âme en Son pouvoir, la troisième prédiction se réalisera sûrement, car le Prophète (paix et salut à lui) l’a dit ! »
[1] Les tribus arabes se divisent en deux branches principales, les Qahtân et les `Adnân : les `Adnân se subdivisent en plusieurs branches, les Thaqîf, les Banû Kilâb et les Banû Bakr ibn Wâ’il, tandis que les branches des Qahtân comprennent les Bajîla et les Banû Tay’.
[2] Ibn al-Athîr, Asad al-ghâba 3/504 ; adh-Dhahabî, Târîkh al-islâm 1/354.
[3] Rapporté par Ahmad (19400), par Ibn Hibbân (7206), et par at-Tabarânî dans al-Kabîr (13925).
[4] Rapporté par Ahmad (19397), et Shu`ayb al-Arnâ’ût en dit : une partie atteint le degré de l’authentique, et la chaîne de transmission est bonne. Rapporté également par al-Hâkim (8582) et Ibn Hibbân. Al-Bukhârî cite avec une chaîne de transmission une partie de ce hadîth, celle des prédictions du Prophète (paix et salut à lui) à `Adî concernant al-Hîra, les trésors de Chosroès et l’abondance, au Livre des vertus, chapitre « Les signes de la prophétie », 3400.
[5] Rapporté par Ahmad (19397), et Shu`ayb al-Arnâ’ût en dit : une partie atteint le degré de l’authentique, et la chaîne de transmission est bonne.
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