Short Description
`Ikrima était l’un des ennemis les plus acharnés du Prophète (paix et salut à lui).
`Ikrima était l’un des ennemis les plus acharnés du Prophète (paix et salut à lui). Il avait été imprégné de cette hostilité pendant des années par son père Abû Jahl, le plus grand ennemi de l’islam. Mais `Ikrima poursuivit et amplifia cette hostilité dans de telles proportions que le Prophète (paix et salut à lui) voulut le faire tuer lors de la prise de La Mecque, en tant que criminel de guerre.
`Ikrima faisait partie du petit groupe qui se battit contre Khâlid ibn al-Walîd à al-Khandama[1]. Ayant été vaincu, il s’enfuit de La Mecque pour tenter de gagner le Yémen : il alla jusqu’à la mer pour s’y rendre par bateau.[2]
Cet homme avait un long passé de mécréance, il faisait partie des personnages à exécuter, et si le Prophète (paix et salut à lui) le trouvait il allait le tuer sans discussion.
L’épouse de `Ikrima, Umm Hakîm bint al-Hârith ibn Hishâm[3], voulut sauver son époux. Après être elle-même devenue musulmane, elle alla trouver le Prophète (paix et salut à lui) pour intercéder en faveur de `Ikrima ibn Abî Jahl afin qu’on lui permette de revenir à La Mecque sans être inquiété. Elle dit : « `Ikrima s’est enfui au Yémen de peur que tu ne le tues : accorde-lui la sécurité. »
Le Prophète (paix et salut à lui) répondit : « Il sera en sécurité. »[4]
Il ne lui répondit pas qu’il avait demandé à ce qu’il soit tué, il ne lui rappela pas sa longue histoire, il ne lui dit pas que venant elle-même de se convertir elle n’avait guère de poids pour intercéder en faveur de quelqu’un.
Il ne lui dit rien de tout cela, n’imposa aucune condition à cette femme ni à son époux, mais se contenta de dire : « Il sera en sécurité. »
Umm Hakîm, l’épouse fidèle, partit donc à la recherche de son époux. Au terme d’un long voyage elle finit par le rejoindre au bord de la Mer Rouge alors qu’il s’apprêtait à prendre un bateau pour le Yémen. Elle lui dit : « Cousin, je viens de chez le plus bienveillant, le plus généreux et le meilleur des hommes… Ne va pas à ta perte, j’ai obtenu de Mohammad (paix et salut à lui) la garantie de ta sécurité.
– As-tu fait cela ? demanda-t-il.
– Oui, répondit-elle. »
`Ikrima ibn Abî Jahl était à ce moment-là dans une situation de grande détresse, ne sachant où se tourner. Il s’apprêtait à partir pour le Yémen, mais tout le Yémen était déjà musulman. Les lieux de refuge possibles étaient de moins en moins nombreux puisque désormais tout le monde acceptait la religion de Mohammad et s’alliait à lui. `Ikrima prit donc rapidement la décision de retourner à La Mecque avec son épouse, sans perdre trop de temps à réfléchir.
`Ikrima ibn Abî Jahl rentra donc àLa Mecque. Avantqu’il n’y entre, le Prophète (paix et salut à lui) tint à ses Compagnons ces admirables paroles :
« `Ikrima ibn Abî Jahl vient à vous en croyant et en émigré : n’insultez pas son père, car les insultes aux morts font du mal aux vivants mais n’atteignent pas les morts. »[5]
Quelle grandeur d’âme de la part du Prophète (paix et salut à lui) !
Abû Jahl avait été le « Pharaon » de cette communauté, mais malgré cela le Prophète (paix et salut à lui) ordonnait à ses Compagnons de ne pas maudire Abû Jahl devant son fils `Ikrima, afin de ne pas heurter ses sentiments, et ce alors même que `Ikrima n’avait pas encore déclaré sa conversion à l’islam.
`Ikrima ibn Abî Jahl arrivait à La Mecque, le Prophète (paix et salut à lui) le vit arriver de loin et que fit-il ?
Se rappela-t-il Abû Jahl ?
Se souvint-il des combats auxquels `Ikrima avait participé pour faire obstacle à la diffusion de l’islam ?
Pensa-t-il aux combats qui avaient opposé `Ikrima aux musulmans à al-Khandama quelques jours auparavant ?
Prit-il en considération la position de faiblesse extrême dans laquelle `Ikrima se trouvait à son retour, et chercha-t-il à lui donner une leçon pour lui faire comprendre la puissance de l’Etat musulman ?
Il ne fit rien de tout ce à quoi n’importe quel politique aurait pu s’attendre !
Le Prophète (paix et salut à lui) s’élança vers `Ikrima sans manteau pour l’accueillir[6]. Il se réjouit en voyant `Ikrima ibn Abî Jahl revenir vers lui, alors même que celui-ci n’était pas encore devenu musulman : telle était la nature spontanée du Prophète (paix et salut à lui)…
`Ikrima ibn Abî Jahl s’assit devant le Prophète (paix et salut à lui) et dit : « Mohammad, celle-ci (indiquant son épouse) m’informe que tu m’as accordé la sécurité.
– Elle a dit vrai, tu es en sécurité, répondit le Prophète (paix et salut à lui), sans ajouter de détails ni de conditions.
– A quoi appelles-tu, Mohammad ? demanda alors `Ikrima
– Je t’appelle à témoigner qu’il n’est de dieu qu'Allah et que je suis le Messager d'Allah, à accomplir la prière et à t’acquitter de la zakât, répondit-il en lui énumérant les rites et prescriptions de l’islam.
– Tu n’appelles qu’à la vérité et à de nobles pratiques ! répondit `Ikrima. »
C’est Allah qui détient tout pouvoir sur les cœurs, Il les fait changer comme Il veut. En quelques instants, `Ikrima ibn Abî Jahl s’était rendu compte que tout ce que le Prophète (paix et salut à lui) disait n’était que la vérité, qu’il avait dit vrai dans tous ses propos tenus auparavant, à La Mecque comme après, qu’il s’agissait des paroles d’un prophète parlant sous l’inspiration divine…
`Ikrima ibn Abî Jahl dit alors : « Tu appelais à cela, par Allah, lorsque tu étais parmi nous : tu es le plus véridique d’entre nous et le plus généreux. Je témoigne qu’il n’est de dieu qu'Allah et que Mohammad est le serviteur d'Allah et Son Prophète. »
En un instant, `Ikrima était passé du camp de la mécréance à celui de la foi !
Puis `Ikrima dit : « Messager d'Allah, enseigne-moi ce qu’il y a de mieux.
– Dis : Je témoigne qu’il n’est de dieu qu'Allah et que Mohammad est le serviteur d'Allah et Son Prophète, lui dit le Prophète (paix et salut à lui).
– Et quoi d’autre ? demanda `Ikrima.
– Dis : Je prends Allah à témoin, et je prends à témoins tous ceux qui sont présents, que je suis un musulman, un Emigré et un combattant, répondit-il. »
`Ikrima prononça alors ces paroles.
Le Prophète (paix et salut à lui), sachant que `Ikrima venait d’entrer en islam et faisant de son mieux pour le rapprocher de la religion, lui dit alors : « Si tu me demandes aujourd’hui quoi que ce soit que je peux donner, je te le donnerai. »
`Ikrima ne demanda pas d’argent, de pouvoir ni de commandement : il demanda seulement le pardon. Il dit : « Je te demande de me pardonner toute mon hostilité passée, toutes les expéditions et tous les combats auxquels j’ai pris part contre toi, toutes les paroles que j’ai prononcées en ta présence ou en ton absence.
– Ô Allah, pardonne-lui tous ses actes d’hostilité contre moi, toutes les expéditions dans lesquelles il s’est engagé pour éteindre Ta lumière, et pardonne-lui tous les propos agressifs qu’il a tenus à mon sujet, en ma présence ou en mon absence, dit lLe Prophète (paix et salut à lui).
– Me voilà satisfait, Messager d'Allah. dit alors `Ikrima. »
Puis il dit en toute sincérité : « Pour toutes les dépenses que j’ai faites pour faire obstacle à la voie d'Allah, je dépenserai le double dans la voie d'Allah. Pour tous les combats où j’ai pris part pour faire obstacle à la voie d'Allah, je combattrai le double dans la voie d'Allah. »[7]
Après cela, `Ikrima consacra sa vie au jihâd dans la voie d'Allah : il participa aux guerres de la ridda contre les tribus qui avaient apostasié, aux expéditions de Syrie, et tomba en martyr à la bataille de Yarmouk (qu'Allah l’agrée).
On voit comment Allah changea complètement sa vie à travers le bon accueil que le Prophète (paix et salut à lui) lui réserva, la sécurité qu’il lui garantit et le pardon qu’il lui accorda pour tout son sombre passé d’hostilité aux musulmans. Le Prophète (paix et salut à lui) n’a-t-il pas dit : « Qu'Allah guide par ton entremise un seul homme vaut mieux pour toi que des chameaux roux »[8], ou bien selon une variante : « vaut mieux pour toi que tout ce qu’il y a sur terre »[9] ?
Le Prophète (paix et salut à lui) se comporta envers de nombreux autres anciens ennemis de la même manière qu’avec Abû Sufyân et `Ikrima. Son attitude envers Safwân ibn Umayya est l’un des épisodes les plus admirables de l’histoire.
[1] Al-Khandama est un lieu dans les environs de La Mecque. Ibn al-Athîr explique qu’il s’agit d’une montagne, Ibn Barî précise que des combats s’y déroulèrent le jour de la prise de La Mecque. Voir al-Fayrûz Abâdî, al-Qâmûs al-muhît, p. 1427, et Ibn al-Athîr, an-Nihâya fî gharîb al-athar, 2/161.
[2] At-Tabarî, Târîkh al-umam wal-mulûk, 2/160.
[3] Umm Hakîm bint al-Hârith ibn Hishâm était la cousine de `Ikrima ; elle devint musulmane après la prise de La Mecque et demanda au Prophète (paix et salut à lui) d’accorder la sécurité à son époux. Elle partit le ramener : il devint musulman et ils restèrent mariés. Voir Ibn al-Athîr, Asad al-ghâba 6/329 et Ibn Hajr, al-Isâba, titre n°11973.
[4] Rapporté par Mâlik dans al-Muwattâ’ d’après Muhammad ibn al-Hasan ash-Shîbânî (601).
[5] Rapporté par Mâlik dans al-Muwattâ’ d’après Muhammad ibn al-Hasan ash-Shîbânî (601) et par al-Hâkim dans al-Mustadrak 3/269 ; considéré comme faible par adh-Dhahabî.
[6] Al-Hâkim, al-Mustadrak, 3/269.
[7] Al-Hâkim, al-Mustadrak, 3/270.
[8] Rapporté par al-Bukhârî d’après Sahl ibn Sa`d, Livre des vertus, chapitre : « Les vertus de `Alî ibn Abî Tâlib » (3498) ; et par Muslim, Livre des mérites des Compagnons, chapitre : « Les mérites de `Alî ibn Abî Tâlib » (2406).
[9] Rapporté par al-Hâkim dans al-Mustadrak d’après Abû Râfi` (6537) et par at-Tabarânî dans al-Mu`jam al-kabîr (930).
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