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Le Prophète (paix et salut à lui) conservait ce souci de la justice même dans les circonstances où il était personnellement atteint
Le Prophète (paix et salut à lui) conservait ce souci de la justice même dans les circonstances où il était personnellement atteint. Les exemples abondent dans les récits de sa vie, mais ce qui nous intéresse dans le présent ouvrage c’est de parler de ses comportements avec les non-musulmans, et nous ne nous étendrons donc pas sur l’analyse de ses comportements admirables avec ses Compagnons et ses adeptes. Nous nous contenterons de commenter certains de ses comportements vis-à-vis des non-musulmans.
`Aïsha (qu'Allah l’agrée) a rapporté le récit suivant : Un groupe de juifs entra chez le Prophète (paix et salut à lui). Ils lui dirent: « La mort (as-sâm) soit sur toi. »[1] Comprenant leurs paroles, je répondis: « Et sur vous soient la mort et la malédiction. » Le Prophète (paix et salut à lui) me dit : « Doucement, `Aïsha. Allah aime qu’on soit convenable en toute circonstance. » Je lui dis : « Messager d'Allah, n’as-tu pas entendu ce qu’ils ont dit? » Il répondit : « Oui, et je leur ai dit : Et sur vous aussi. »[2]
Ici, le Messager d'Allah (paix et salut à lui), le puissant chef de Médine, reçoit chez lui un groupe de juifs qui lui souhaitent ouvertement la mort tout en rusant en substituant le mot sâm (la mort) au mot salâm (la paix) : ainsi, si le Prophète (paix et salut à lui) relevait leurs propos, ils prétendraient avoir dit as-salâm. Or, bien que le Prophète (paix et salut à lui) soit sûr d’avoir entendu et que `Aïsha, présente également, ait entendu la même chose, il ne se prononce pas contre eux dès lors qu’ils n’admettent pas leur acte ; il n’oppose pas son témoignage et celui de `Aïsha à leur parole, mais il se contente de leur répondre par la même chose en toute courtoisie : « Et sur vous aussi. » Il interdit même à `Aïsha (qu'Allah l’agrée) de prononcer des paroles agressives et lui ordonne de traiter les gens avec douceur, même lorsqu’ils lui souhaitaient ouvertement la mort !
Citons un autre exemple plus admirable encore : le comportement du Prophète (paix et salut à lui) envers Zayd ibn Sa`na, un rabbin juif. Zayd ibn Sa`na a fait le récit suivant :
« J’avais reconnu en Mohammad (paix et salut à lui), en le regardant, tous les signes de la prophétie sauf deux dont je n’avais pas eu connaissance chez lui : que la mansuétude l’emportât chez lui sur l’agressivité, et que l’agressivité à son encontre ne fît qu’augmenter sa mansuétude. Je voulus le connaître de plus près afin de savoir ce qu’il en était.
Un jour, le Prophète (paix et salut à lui) sortit des ses appartements, accompagné de `Alî ibn Abî Tâlib. Un Bédouin sur sa monture s’approcha de lui et lui dit : ‘Messager d'Allah, tel clan s’est soumis et converti à l’islam. Je leur ai dit que s’ils devenaient musulmans ils recevraient beaucoup de richesses. Or, ils subissent une disette par manque de pluie. J’ai peur, Messager d'Allah, que la convoitise ne les pousse à renier l’islam comme elle les a poussés à y entrer. Si tu peux leur envoyer des vivres pour les aider, fais-le.’ Le Prophète (paix et salut à lui) regarda un homme à côté de lui – peut-être `Umar – qui lui dit : ‘Il ne reste rien, Messager d'Allah.’
– Zayd ibn Sa`na poursuit : Je m’approchai de lui et je lui dis : ‘Mohammad, veux-tu me vendre telle quantité de dattes du jardin d’untel à tel terme ?’ Il répondit : ‘Non, ô juif, mais je te vendrai telle quantité de dattes à tel terme, sans stipuler qu’il s’agira des dattes du jardin d’untel.’ J’acceptai, le Prophète (paix et salut à lui) conclut la vente et je sortis ma bourse : je lui donnai quatre-vingts pièces d’or en échange d’une quantité de dattes pour un terme donné. Il donna les pièces à l’homme en lui disant : ‘Retourne vite auprès d’eux et donne-leur ceci pour les aider.’
Deux ou trois jours avant l’échéance prévue, le Prophète (paix et salut à lui) sortit dans le convoi funèbre d’un des Ansâr en compagnie d’Abû Bakr, `Umar et `Uthmân ainsi que d’autres Compagnons. Après avoir accompli la prière il s’assit, adossé contre un mur. Je saisis le pan de sa tunique et je le regardai d’un air sévère, puis je lui dis : ‘Ne me donneras-tu pas mon dû, Mohammad ? Par Allah, vous les Banû `Abd al-Muttalib, vous ne payez pas vos dettes à terme, je vous connais bien !’
Je regardai `Umar : il écarquilla les yeux, puis il me jeta un regard plein de fureur et me dit : ‘Ennemi d'Allah, tu dis ce que j’entends au Messager d'Allah, et tu fais ce que je vois ? Par Celui qui l’a envoyé apporter la vérité, si je ne craignais de transgresser son enseignement, je te frapperais le cou de mon épée que voici.’ Le Prophète (paix et salut à lui), quant à lui, avait gardé son calme et dit à `Umar ne le regardant tranquillement : ‘`Umar, lui et moi avions besoin d’autre chose : que tu m’enjoignes de bien acquitter ma dette et que tu lui enjoignes de demander son dû de la meilleure manière. Va avec lui, `Umar, et donne-lui son dû. Tu lui ajouteras vingt mesures de dattes pour compenser la frayeur que tu lui as causée.’
– Zayd poursuit : `Umar m’emmena et me donna mon dû, avec vingt mesures de dattes en plus. Je lui demandai pourquoi il m’en donnait plus, et il répondit : ‘Le Prophète (paix et salut à lui) m’a ordonné de t’en donner plus pour compenser la frayeur que je t’ai causée.’
Je lui demandai : ‘Sais-tu qui je suis, `Umar ?’
Il répondit : ‘Non, qui es-tu ?’
Je répondis : ‘Zayd ibn Sa`na.’
Il demanda : ‘Le rabbin ?’ Je répondis que oui.
Il me demanda alors : ‘Qu’est-ce qui t’a poussé à parler au Prophète (paix et salut à lui) comme tu l’as fait et à agir ainsi ?’
Je répondis : ‘`Umar, j’ai reconnu chez le Prophète (paix et salut à lui) tous les signes de la prophétie sauf deux : que la mansuétude l’emporte chez lui sur l’agressivité, et que l’agressivité à son encontre ne fasse qu’augmenter sa mansuétude. J’ai voulu vérifier s’il possédait ces qualités. Je te prends à témoin, `Umar, que j’accepte Allah comme Seigneur et Mohammad (paix et salut à lui) comme prophète. Je te prends également à témoin que je donne la moitié de mes biens (et je suis très riche) en aumône à la communauté de Mohammad (paix et salut à lui).’
`Umar dit : ‘Ou à une partie de la communauté, car tu ne peux suffire à tous.’ Je répondis : ‘Ou à une partie.’
`Umar et Zayd allèrent alors trouver le Prophète (paix et salut à lui) et Zayd déclara : ‘Je témoigne qu’il n’est de dieu qu'Allah, et je témoigne que Mohammad est Son serviteur et Son messager.’ »[3]
Ce juif avait conçu un plan pour mettre exprès le Prophète (paix et salut à lui) en colère afin de vérifier s’il était véritablement prophète. Le Prophète (paix et salut à lui) n’avait connaissance de l’invisible que par l’entremise de la révélation et rien dans le récit n’indique qu’il savait ce que le juif voulait faire. Ce dernier a fait tous les efforts possibles pour susciter la colère du Prophète (paix et salut à lui), à travers plusieurs actions dont une seule aurait suffi à mettre en colère n’importe quel être humain.
D’abord, il est venu demander l’acquittement de la dette avant son terme, ce qu’il n’avait pas le droit de faire.
Ensuite, il a tiré le Prophète (paix et salut à lui) par le bord de son vêtement ! Imaginez la scène : ce juif tirant le Prophète (paix et salut à lui) par le bord de son vêtement au milieu de ses Compagnons et devant tout le monde !
Il l’a regardé sévèrement.
Il l’a interpellé par son nom, alors que la politesse exigeait qu’il mentionne son nom de famille ou son surnom : « Ne me donneras-tu pas mon dû, Mohammad ? »
Enfin, il l’a insulté, lui et sa famille, en les accusant de ne pas payer leurs dettes au terme fixé.
Ces cinq comportements étaient pleins d’insolence et d’agressivité. En outre, il faut remarquer que le juif s’adressait au chef politique de Médine alors que le Prophète (paix et salut à lui) était entouré de ses soutiens, les Emigrés et les Ansâr.
Si l’on tient compte de tous ces facteurs, on s’attendrait à ce le personnage s’étant comporté de la sorte soit tué, comme il l’aurait été dans l’usage de beaucoup de sociétés ! Cela n’aurait pas été étonnant, et `Umar, ayant assisté à la scène, l’a suggéré.
Mais qu’a fait le Prophète (paix et salut à lui) ? Non seulement il s’est montré compréhensif et patient face à cette agression, mais il a répondu cordialement et avec le sourire !
Comme le rapporte Zayd ibn Sa`na, le Prophète (paix et salut à lui), sans perdre son calme, a regardé `Umar tranquillement et lui a dit : « `Umar, lui et moi avions besoin d’autre chose : que tu m’enjoignes de bien acquitter ma dette et que tu lui enjoignes de demander son dû de la meilleure manière. Va avec lui, `Umar, et donne-lui son dû. Tu lui ajouteras vingt mesures de dattes pour compenser la frayeur que tu lui as causée. »
Habituellement, la majorité des rois et des dirigeants politiques, ou même des gens ordinaires, ne comprennent pas ce noble comportement. L’humilité du Prophète (paix et salut à lui) l’a poussé à dire à `Umar qu’il aurait dû lui conseiller de bien acquitter sa dette ! Le Prophète (paix et salut à lui) n’avait pourtant pas besoin d’un tel conseil, d’autant que l’échéance prévue n’était pas encore arrivée. Cette réponse était un effort pour apaiser le cœur du juif et désamorcer la tension.
De plus, il a trouvé juste que le juif reçoive une compensation pour la peur que lui avaient causée les menaces de `Umar (qu'Allah l’agrée) et il lui a ajouté vingt mesures de dattes. A aucun moment le Prophète (paix et salut à lui) n’a manifesté de réaction négative, ni pesé le pour et le contre en réfléchissant aux conséquences.
Sa réaction était parfaitement naturelle et ne comportait aucune affectation. Telle était son attitude naturelle avec tous les êtres, qu’ils soient musulmans ou non, qu’ils lui offrent des choses ou qu’ils lui en réclament.
Les politiques, les rois et les dirigeants de ce monde n’auraient-ils pas besoin de s’inspirer de tels comportements pour comprendre la balance de la justice avec laquelle ils devraient peser leurs actes et leurs choix ?
Les savants qui réfléchissent sur l’éthique et la société de par le monde ne devraient-ils pas étudier la vie du Prophète (paix et salut à lui) afin de réviser les critères moraux et les valeurs qu’ils connaissent sur la base de ceux pratiqués par le Prophète (paix et salut à lui)?
Le monde, avec toute la variété de ses références et de ses religions, a vraiment bien besoin de la source pure de la morale prophétique. Le jour où les gens connaîtront cette morale, il est bien certain qu’un grand nombre de situations sur cette terre changeront du tout au tout et que de larges voies s’ouvriront pour sortir de beaucoup de problèmes et de crises contemporaines.
[1] Jeu de mots entre as-salâm, la paix, et as-sâm, la mort.
[2] Al-Bukhârî, Livre de l’éducation, chapitre : « La douceur en toute chose » (5678) ; Muslim, Livre de la salutation, chapitre : « On ne salue pas en premier les Gens du Livre, et comment leur répondre » (2165).
[3] Ibn Hibbân (288), al-Hâkim (6547), al-Bayhaqî (11066). Al-Hâkim déclare ce hadîth authentique par sa chaîne de transmission mais non cité par les deux cheikhs ; al-Haythamî précise dans Majmâ` az-zawâ’id : « Ibn Mâjah en a rapporté une partie, at-Tabarânî l’a rapporté également, et ses narrateurs sont dignes de confiance. »
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