Short Description
La question de la propriété a été largement débattue dans les sociétés anciennes et modernes, donnant lieu à différents écoles et des positions diverses
La question de la propriété a été largement débattue dans les sociétés anciennes et modernes, donnant lieu à différents écoles et des positions diverses.[1] Ainsi le communisme minimise l’importance de l’individu et de sa liberté et ne permet à personne de posséder de terre, d’usine, de bien immobilier ni aucun moyen de production, chacun devant travailler comme salarié de l’Etat qui seul possède et gère les moyens de production ; l’individu ne peut pas posséder de capital, même acquis de manière licite.
Dans le capitalisme, au contraire, la liberté de propriété de l’individu est quasiment sanctifiée. L’individu est totalement libre de posséder ce qu’il veut et de développer ses biens ou d’en disposer comme il l’entend, sans contraintes véritables. Le capitalisme ne reconnaît quasiment pas de droits à la société sur les biens de l’individu ou la manière dont il en dispose.
La propriété en Islam, entre communisme et capitalisme
Entre les deux extrêmes de l’exagération de l’importance de la propriété individuelle dans le capitalisme d’une part, et de l’abolition de la propriété dans le communisme d’autre part, l’islam offre une voie médiane qui sait concilier les intérêts de l’individu et de la société. Il autorise la propriété individuelle tout en y imposant certaines restrictions destinées à protéger les autres. Il interdit également la propriété de certaines choses, qui demeurent des biens collectifs, afin de préserver les droits de l’être humain. L’islam réalise ainsi le juste équilibre entre la reconnaissance à l’individu de la liberté de propriété, et la reconnaissance de la propriété collective.
Le droit de propriété individuelle reconnu par l’islam permet à l’individu de posséder les choses et d’en user exclusivement, car ceci fait partie des exigences de la nature humaine et des caractéristiques de la liberté, voire des caractéristiques de l’humanité. En outre, la propriété constitue la meilleure incitation à augmenter et améliorer la production. L’islam fait de ce droit une règle fondamentale de l’économie musulmane et met en place les règles qui en découlent naturellement : la protection de la propriété individuelle contre tout vol ou détournement, et l’instauration de sanctions sévères à l’encontre de ceux qui s’attaqueraient au bien d’autrui, pour défendre ce droit et écarter tout ce qui pourrait menacer ce droit légitime de l’être humain. L’islam fait également découler de ce droit d’autres conséquences : la liberté de disposer de ses biens par la vente, l’achat, la location, la mise en gage, le don, le legs ou toute autre transaction licite.
Cependant, l’islam ne laisse pas la propriété individuelle libre de toute contrainte : il y fixe des limites afin qu’elle n’entre pas en contradiction avec les droits des autres. Ainsi, il interdit les transactions usuraires (ribâ), la fraude, la corruption, le monopole, et toutes les pratiques qui contreviennent aux droits de la collectivité.
Cette liberté est accordée sans distinction aux hommes comme aux femmes, conformément à la parole divine : « Une part de ce que les hommes auront acquis leur reviendra ; une part de ce que les femmes auront acquis leur reviendra. »[2]
Parmi les contraintes liées à la propriété, on peut également citer l’obligation de poursuivre l’exploitation de son bien. En effet, laisser un bien inexploité nuit non seulement à son propriétaire, mais aussi au développement des ressources de la société. Une autre contrainte est l’acquittement de la zakât sur l’argent si l’on a en sa possession pendant une année une somme dépassant un montant fixé : la zakât est en effet un droit sur l’argent.
L’islam reconnaît également la propriété collective : certaines choses sont la propriété de la société humaine dans son ensemble ou d’une collectivité donnée. Elles profitent à tout un chacun, et l’individu ne saurait en bénéficier à un autre titre qu’en tant que membre de la collectivité : nul ne peut en avoir le bénéfice exclusif, totalement ou en partie. Ce sont par exemple les mosquées, les hôpitaux publics, les routes, les cours d’eau, les mers, etc. Ces biens collectifs sont mis à profit pour l’intérêt général. Le chef d’Etat ou ses représentants n’ont pas le droit d’en prendre le contrôle mais ils sont responsables de leur gestion : ils doivent en tirer parti au mieux dans l’intérêt de la société musulmane.
Règlementation islamique des biens
L’islam définit également les moyens licites d’acquérir les biens et déclare les autres moyens illicites. Il distingue deux moyens d’accéder à la propriété individuelle, avec deux catégories de biens. D’une part, les biens possédés, ceux qui ont déjà un propriétaire : ces biens peuvent uniquement quitter la propriété de celui qui les possède à travers une transaction légitime comme l’héritage, le legs, la préemption, le contrat, le don. D’autre part, les biens libres, qui n’ont pas auparavant eu de propriétaire particulier : l’individu peut accéder à la propriété de ces biens à travers une action donnée qui lui en confère la propriété, comme l’exploitation d’une terre en friche, la chasse, l’extraction d’un minerai du sol, ou encore l’attribution d’une parcelle à un individu par l’Etat.
Quant aux catégories de biens collectifs reconnues par l’islam, elles sont nombreuses. On peut citer parmi les principales :
– Les ressources naturelles communes, auxquelles tous les habitants peuvent avoir accès sans effort ni travail : c’est par exemple l’eau, les pâturages, le feu, et ce qui s’ensuit.
– Les ressources protégées, c’est-à-dire les biens protégés par l’Etat pour le bénéfice des musulmans ou de tout le monde : ce sont par exemple les cimetières, les bâtiments publics, les fondations, la zakât, etc.
– Les ressources dont personne n’a revendiqué la propriété, ou dont le propriétaire les a laissées longtemps à l’abandon comme les terres en friche.[3]
Pour préserver la propriété, Dieu nous enjoint de surveiller les biens. Les textes de l’islam protègent également la propriété privée en prescrivant des sanctions pénales par exemple en cas de vol.
Les biens possédés doivent être acquis de manière licite, sans léser autrui. Ainsi, il ne faut pas s’approprier injustement les biens des orphelins. Il ne faut pas exploiter le besoin des pauvres et des nécessiteux en recourant à des transactions usuraires. Il ne faut pas non plus se livrer à des paris ou des jeux d’argent, sources d’hostilité et de rivalités au sein de la société. Dieu dit : « Ne vous emparez pas injustement des biens les uns des autres »[4] ; Il dit également : « Vous qui croyez, ne vous emparez pas injustement des biens les uns des autres, mais usez de transactions mutuellement consenties. »[5]
Si la propriété a une origine illicite, l’islam ne la reconnaît pas et ne la protège pas. Il prescrit au contraire de reprendre les biens acquis illicitement, comme les biens volés ou détournés, pour les restituer à leurs propriétaires légitimes ; en l’absence de propriétaire légitime, ces biens reviennent au Trésor public.
Des règles sont également fixées quant à la manière de faire fructifier les biens et d’en disposer. Les bénéfices acquis par des procédés non autorisés sont donc considérés comme des biens illicites : c’est le cas par exemple du produit de l’usure, du bénéfice de la vente des boissons alcoolisées ou de la drogue, ou encore des paris. Une partie des biens possédés doit être employée à l’intérêt public : il s’agit de la zakât et des autres dépenses prescrites par l’islam. En outre, il n’est pas permis de léguer par testament plus du tiers de ses biens, ceci afin de préserver les droits des héritiers qui devront donc recevoir au moins les deux tiers.
La manière dont on dispose de ses biens fait également l’objet de règles : il ne faut pas dépenser trop libéralement, ni être avare. Dieu dit : « Et ceux qui, en dépensant, ne sont ni prodigues ni avares mais adoptent un juste milieu. »[6] Une autre règle concerne l’interdiction de dépenser l’argent pour ce qui est interdit par les enseignements de l’islam. Une personne peut encore être privée de son droit de propriété en cas de nécessité pour l’intérêt commun, en échange d’une compensation juste : c’est le cas de l’expropriation pour agrandir la voie publique, par exemple.[7]
Les individus, musulmans ou non, bénéficiaient dans l’Etat islamique de ce système parfaitement équilibré qui leur permettait de devenir très riches : ainsi par exemple, le chrétien Bakhtishû` ibn Jibrâ’îl, le médecin et ami d’al-Mutawakkil (le dixième calife abbasside) était aussi riche que le calife et s’habillait et vivait de manière aussi opulente que lui. En même temps, ces individus bénéficiaient de tout ce que les biens publics pouvaient leur procurer.
Telle est la liberté de propriété en islam : c’est un droit garanti pour tous, à condition de ne pas contrevenir à l’intérêt commun ni aux intérêts individuels et personnels des autres.
[1] On entend par propriété, le fait pour l’être humain de posséder quelque chose en propre et de pouvoir en user et en disposer comme bon lui semble.
[2] Sourate 4, an-Nisâ’, verset 32.
[3] Voir sur le site « Islam today » le lien suivant : http://www.islamtoday.net/toislam/11/11.3.cfm.
[4] Sourate 2, al-Baqara, verset 188.
[5] Sourate 4, an-Nisâ’, verset 29.
[6] Sourate 25, al-Furqân, verset 67.
[7] Al-Haqîl, Huqûq al-insân, p. 57.
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