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Il serait difficile de recenser dans un seul ouvrage toutes les occasions où le Prophète (paix et salut à lui) a montré sa justice envers les non-musulmans
Il serait difficile de recenser dans un seul ouvrage toutes les occasions où le Prophète (paix et salut à lui) a montré sa justice envers les non-musulmans : jamais en effet on ne l’a vu commettre d’injustice. Nous nous contenterons dans les pages qui vont suivre de donner des exemples de sa justice dans les transactions financières qu’il a menées avec les non-musulmans.
On citera par exemple ce hadîth rapporté par `Abd ar-Rahmân ibn Abî Bakr (qu'Allah l’agrée ainsi que son père) : « Nous étions cent trente hommes avec le Prophète (paix et salut à lui). Celui-ci demanda : ‘Quelqu’un parmi vous a-t-il à manger ?’ Un homme avait environ un sâ` de grain : on en fit du pain. Puis un homme idolâtre, grand et hirsute, arriva en menant devant lui un troupeau de moutons. Le Prophète (paix et salut à lui) lui demanda : ‘Veux-tu nous les vendre ou nous les donner ?’ (ou bien : ‘ou nous les offrir ?’) L’homme répondit : ‘Non, je veux les vendre.’ Le Prophète (paix et salut à lui) lui acheta une brebis : on la prépara, et le Prophète (paix et salut à lui) ordonna de faire griller le foie. Par Allah, le Prophète (paix et salut à lui) distribua à chacun des cent trente hommes une part de foie : il donna leur part aux présents et mit de côté celle des absents. On fit ensuite deux plats avec la viande, et tous en mangèrent à leur faim. Il resta dans les deux plats de la nourriture qu’on emporta sur un chameau. »[1]
Voilà le Prophète (paix et salut à lui) avec une troupe de cent trente hommes ayant besoin de se nourrir. Un homme idolâtre passe à proximité avec un troupeau et le Prophète (paix et salut à lui) lui achète une brebis dont il paie le prix. A aucun moment il n’envisage de contraindre l’homme à leur donner la brebis sans la payer, malgré la position de force dont il jouissait et le besoin pressant de nourriture, et malgré le fait que l’homme était un mécréant idolâtre. Cette attitude est l’exemple même du plus haut degré de la justice : qu’on la compare donc au comportement des armées coloniales de l’époque moderne, qui spoliaient les pays au mépris de tout droit, semant la corruption et assassinant l’idée même de justice.
Le Prophète (paix et salut à lui), accompagné de son armée, n’a pas songé un instant à bafouer les droits de cet idolâtre, quand bien même l’armée entière aurait souffert de la faim !
Regardons-le encore lors de son émigration, voyageant en compagnie de trois hommes : Abû Bakr as-Siddîq, `Amir ibn Fuhayra (qu'Allah l’agrée) et le guide idolâtre `Abdallâh ibn Urayqat. Ils trouvèrent sur leur chemin un jeune serviteur qui gardait un troupeau. Ils avaient besoin de lait, mais ils ne se dirent pas qu’ils étaient dans une situation de contrainte et qu’il leur était permis de s’emparer d’une partie des bêtes ou de prendre sans permission un peu de lait. Au contraire, Abû Bakr s’approcha du garçon et lui demanda avec douceur à qui il appartenait. Le garçon répondit qu’il appartenait à un homme de Quraysh qu’il nomma et qu’Abû Bakr reconnut…[2] Le Prophète (paix et salut à lui) et Abû Bakr savaient que ce garçon était l’esclave d’un idolâtre, à un moment où les idolâtres étaient tous à la recherche du Prophète (paix et salut à lui) décidés à le tuer, ce qu’ils avaient réellement cherché à faire sans succès, et qu’ils cherchaient encore à faire. Même dans de telles circonstances, le Prophète (paix et salut à lui) et ses Compagnons ne se permirent pas de s’approprier à tort le bien d’autrui. Abû Bakr demanda au garçon s’il pouvait traire ses brebis pour eux : il accepta de les traire et leur donna le lait à boire.
Les juristes musulmans sont très sensibles à des questions de justice comme celle-ci. Dans leurs commentaires de ce récit, ils débattent de savoir si Abû Bakr avait le droit de demander du lait à un berger à qui le troupeau n’appartenait pas.[3] La réponse apportée par Ibn Hajr est que la question posée par Abû Bakr au garçon signifiait : « As-tu l’autorisation du propriétaire du troupeau pour offrir du lait aux voyageurs rencontrés dans le désert ? » Ou bien, Abû Bakr ayant identifié le propriétaire du troupeau, il savait, de ce qu’il connaissait de lui, qu’il permettrait volontiers cela, et c’est pourquoi il le demanda.
On voit à quel point les juristes s’attachaient à analyser la situation pour justifier que ces hommes aient bu du lait, alors qu’ils avaient été chassés de chez eux injustement, et que le Prophète (paix et salut à lui) se trouvait à leur tête !
On trouve lors du même voyage un autre exemple de cette parfaite équité manifestée par le Prophète (paix et salut à lui) et ses Compagnons, avec une faible femme non accompagnée d’hommes, une femme nommée Umm Ma`bad.
Le récit rapporte qu’ils passèrent par chez Umm Ma`bad al-Khuzâ`iyya[4] qui était alors idolâtre. Elle était toute seule. Ils demandèrent à lui acheter de la viande ou des dattes, mais elle n’en avait pas. Le Prophète (paix et salut à lui) ayant vu une brebis sur le côté de la tente, il échangea les propos suivants avec Umm Ma`bad :
Le Prophète (paix et salut à lui) demanda : « Qu’est-ce que c’est que cette brebis, Umm Ma`bad ? »
Elle répondit : « Une brebis trop fatiguée pour suivre le troupeau. »
Le Prophète (paix et salut à lui) demanda : « Donne-t-elle du lait ? »
Elle répondit : « Elle est trop fatiguée pour cela. »
Le Prophète (paix et salut à lui) lui demanda alors : « Me permets-tu de la traire ? »[5]
Ce ne sont pas seulement sa justice et ses scrupules qui apparaissent ici, mais également sa courtoisie et sa douceur. On voit avec quelle politesse il a demandé la permission : « Me permets-tu de la traire ? » Cette question si courtoise poussa Umm Ma`bad à lui répondre : « Toi pour qui je donnerais mon père et ma mère, si tu penses qu’elle a du lait, trais-la. » On notera que cette femme n’était pas encore musulmane à l’époque : elle lui dit qu’elle donnerait pour lui son père et sa mère, en raison de son comportement noble, de sa sincérité et de sa douceur.
Prenons un autre exemple encore plus admirable : le comportement du Prophète (paix et salut à lui) envers Safwân ibn Umayya[6] après la conquête de La Mecque, lors des préparatifs à la campagne de Hunayn. Safwân était alors idolâtre. Le Prophète (paix et salut à lui) avait besoin de cuirasses pour combattre à Hunayn. Safwân était l’un des marchands d’armes de La Mecque et en possédait un grand nombre. Malgré le fait qu’il était alors parmi les vaincus et donc en position de faiblesse, et qu’il était encore idolâtre, malgré aussi la noirceur de son passé avec les musulmans, le Prophète (paix et salut à lui) lui demanda ces cuirasses en tant que prêt. Safwân s’étonna qu’il veuille lui emprunter les cuirasses alors qu’il était le vainqueur et en position de force ; il demanda une explication : « Est-ce une réquisition, Mohammad ? » Celui-ci répondit : « Non, c’est un emprunt garanti. »[7] Il prit donc les cuirasses comme un emprunt, contre dédommagement, et en garantissant que si certaines étaient perdues ou abîmées elles seraient remplacées !
Trouve-t-on dans l’histoire de pareils comportements ?
[1] Al-Bukhârî, Livre du don et de son mérite, chapitre : « On peut accepter des cadeaux des idolâtres » (2475), et Livre des aliments, chapitre : « Le fait de manger à satiété » (5067) ; Muslim, Livre des boissons, chapitre : « Le fait d’honorer l’invité et le mérite de le préférer à soi-même » (2056).
[2] Al-Bukhârî, Livre des mérites des Compagnons, chapitre : « Les vertus et le mérite des Emigrés » (3452) ; Muslim, Livre de l’ascèse et des menus faits, chapitre : « Au sujet de l’émigration » (2009).
[3] Ibn Hajr, Fath al-bârî 7/10.
[4] Umm Ma`bad al-Khuzâ`iyya, appelée `Âtika bint Khâlid ibn Munqidh al-Khuzâ`iyya, ou bien `Âtika bint Khâlid ibn Khalîf, était la femme dans le campement de laquelle le Prophète (paix et salut à lui) avait fait halte lors de son émigration de La Mecque à Médine. L’emplacement du campement est connu jusqu’à ce jour comme le campement d’Umm Ma`bad. Voir Ibn al-Athîr, Asad al-ghâba (6/186), et Ibn Hajr, al-Isâba, titre 12253.
[5] Rapporté par al-Hâkim (4243) qui dit que ce hadîth est authentique de par sa chaîne de transmission sans être cité par les deux cheikhs. Adh-Dhahabî le confirme dans at-Talkhîs et considère le hadîth comme authentique. Ibn Hajr dans al-Isâba (6/169) renvoie également à al-Baghawî, Ibn Shâhîn, Ibn as-Sakin, Ibn Mundih et d’autres, at-Tabarânî dans al-Kabîr (3605), Abû Nu`aym dans ad-Dalâ’il pp. 282-287, al-Lâlikâ’î dans I`tiqâd ahl as-sunna wal-jamâ`a 4/777. Ce hadîth est étayé par un autre rapporté par al-Bazzâr d’après Jâbir, cité dans Kashf al-astâr (1742).
[6] Safwân ibn Umayya ibn Khalaf al-Qurashî al-Jamhî était un noble de Quraysh à l’époque préislamique, et l’un de ceux dont les cœurs étaient à gagner. Son père mécréant fut tué à Badr, son oncle mécréant Ubayy ibn Khalaf fut tué par le Prophète (paix et salut à lui) à Uhud. Quant à lui, il prit la fuite lors de la conquête de La Mecque, puis revint trouver le Prophète (paix et salut à lui), se convertit et fut un bon musulman. Voir Ibn `Abd al-Barr, Al-Istî`âb 2/274, Ibn al-Athîr : Asad al-ghâba 2/420, et Ibn Hajr : al-Isâba, titre 4072.
[7] Hadîth rapporté par Abû Dâwud (3562), al-Bayhaqî (11257), al-Hâkim (2301) et confirmé par le hadîth de `Abd ar-Rahmân ibn `Awf d’après son père cité par al-Hâkim (4369) et al-Bayhaqî (11257) ; selon al-Bayhaqî ce hadîth a une chaîne de transmission authentique mais il n’est pas cité par les deux cheikhs ; confirmé par adh-Dhahabî. Comme ils l’affirment, le hadîth est authentique et étayé également par un hadîth d’Ibn `Abbâs dans les mêmes termes, cité par al-Hâkim (2301) comme authentique selon la norme de Muslim ; confirmé par adh-Dhahabî.
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